À Aubervilliers, les hommes comme les objets prennent un nouveau départ

À Aubervilliers, les hommes comme les objets prennent un nouveau départ

Source : Le Figaro

Mathilde Gaudechoux
25/08/201, 16:57

FIGARO DEMAIN – Le sculpteur Christian Grisinger a ouvert un atelier de réinsertion, en partenariat avec l’association Initiatives Solidaires. On y crée du mobilier d’art, à partir de matériaux de récupération. Le taux de réussite du chantier est supérieur à la moyenne nationale.

Dans la cour de l’atelier, un homme et une femme s’activent devant une grille forgée. Ils façonnent à l’aide d’un marteau spécial les tiges de métal. Pour le moment, c’est un objet non identifié, il deviendra un immense pied de table.

Sur le chantier d’insertion de l’association Initiatives Solidaires, à Aubervilliers, une quinzaine de salariés se forment à la création de mobilier d’art. Un contrat de deux ans, pendant lequel ils sont payés, pour qu’ils apprennent à se servir des machines et des outils, tracer, souder, poncer, peindre, assembler… Recrutés uniquement sur leur intérêt pour le bois et le métal et non sur leur expérience et leurs compétences, la moitié des salariés n’ont jamais été scolarisés. Des parcours semés d’embûches pour la plupart.

Pour Kaboré, 42 ans, originaire du Burkina Faso, Initiatives Solidaires est une vraie opportunité. Salarié depuis un an et demi sur le chantier, il espère bien acquérir l’expérience nécessaire pour, à son tour, former les jeunes aux métiers d’art au Burkina Faso. «En Afrique, on fait beaucoup de récupération, on crée du mobilier, mais on n’a pas de matériel, pas de perceuse, pas de soudeur». Pour cet artiste touche-à-tout, entre l’art et l’artisanat, la frontière est mince. Il entend bien créer une passerelle entre son pays d’origine et son pays d’adoption pour développer la création artistique.

Mais Christian Grisinger, sculpteur en métal depuis 30 ans, aux manettes de ce chantier, précise que «le chantier d’insertion d’Aubervilliers n’est pas un centre de formation comme on l’entend, mais un tremplin pour se remobiliser, travailler en équipe, accepter les codes. Les salariés sont préparés à l’avenir».La rigueur, la ponctualité, le respect font partie des valeurs d’Initiatives Solidaires et c’est ce qui a permis à Moricire, 25 ans, de garder son nouveau travail. «J’ai dû interrompre la formation, à regret, car j’apprenais beaucoup de choses, mais j’ai trouvé un travail stable pendant celle-ci comme agent d’entretien à la Courneuve». Un contrat Emploi d’Avenir de trois ans, qui pourrait déboucher sur un CDI.

Un chantier hors du commun

Depuis sa création en 2013, l’atelier a des résultats plutôt encourageants: ils sont 75% à retrouver une formation ou un emploi à l’issue de leur réinsertion, soit 10% de plus que les exigences de l’État. Qualité de la formation ou concours de circonstances, difficile d’expliquer ce taux de réussite. Le chantier est encore trop récent pour tirer des conclusions et dégager une vraie tendance.

Ici, chaises, lampes et tables sont conçus à partir de matériaux de récupération. 33 tonnes de métal et de bois ont été récupérées auprès des entreprises alentours depuis 3 ans. «Aubervilliers est en grande mutation, on construit beaucoup, il y a plein de chantiers de déconstruction», explique Florie Lozivit, qui est chargée de développer l’initiative. Le chantier bénéficie d’un emplacement favorable pour la récupération. La Seine-Saint-Denis est historiquement un territoire industriel, avec beaucoup d’usines et de grands hangars. «Les entreprises elles-mêmes, comme Icade et Veolia, nous préviennent quand il y a de la matière à récupérer.» C’est ainsi que d’anciens extincteurs deviennent des pieds de lampe, que de grosses charpentes métalliques font de magnifiques pieds de table, que des placards d’écoles se réincarnent en tables de séjour. «Quand je ramasse des objets sur les chantiers, je ne sais jamais ce que je vais en faire à l’avance», confie Christian, une descente de gouttière en fonte à la main. Son cerveau bouillonne, il ne manque jamais d’idées. Son seul regret est de ne pas pouvoir produire en série, les trouvailles étant soumises au hasard. Il cherche pourtant à s’étendre, faire des «mini-séries» au moins, développer la vente de mobilier à des restaurants et à des espaces sensibles à l’économie sociale et solidaire.

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